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Poète : Dan Andersson

Tiré du bulletin CMTN numéro 79.

Dan Andersson, un poète du Dalarna

par Angelika Maier

Lors de mon dernier voyage en Suède j’ai croisé l’écrivain et poète Dan Andersson. Pas personnellement, non, ce n’est plus possible, il est mort depuis 1920 – mais j’ai décelé qu’il vit encore dans le cœur des gens. Ses poèmes, chansons et contes sont toujours vivants et forts. Il est l’un des plus aimé en Suède.

Il vivait autour de Ludvika, une petite ville au sud du Dalarna dans une ancienne région minière. Il y est enterré et c’est a cet endroit que la « Dan Andersson-Sällskap » (société, association http://www.danandersson.org/ ) a son siège.

Cette association gère deux musées dédiés à Dan Andersson, l’un dans une maison à Ludvika, où il vécu quelques mois, et l’autre dans la Luossastuga en pleine campagne à Skattlösberg en Grangärde Finnmark, qui fut son domicile de 1911 à 1915.

Une des activités de la DA-Sällskap est l’organisation de la Dan Andersson-Vecka, une manifestation attirant des gens de toute la Suède. C’est une semaine commémorative du poète, ayant lieu chaque été, pendant laquelle sont organisés des concerts, des randonnés, et des présentations de contes liés à son œuvre et aux endroits où il vivait.

La vie de Dan Andersson

Je vais vous raconter un peu de la vie courte et mouvementé de Dan Andersson.

Il est né 1888 à Skattlösberg, un village dans la paroisse de Grangärde au Dalarna. Son père était instituteur autodidacte qui essayait d’améliorer son salaire avec des travaux de brochure et autres. Il était très religieux et strict. Sur l’étagère, ses livres évoquaient la bible, Les péchés et les punitions. La mère de Dan était aussi une ancienne institutrice. A l’age de 14 ans la famille envoyait Dan chez sa tante et son oncle aux Etats Unis pour explorer les possibilités d’une immigration de la famille. Il écrivait des lettres en anglais dans lesquelles il décrivait le lieu ou il était comme un endroit de nature sauvage et hostile. Après huit mois, son père finit par le rappeler en Suède. Dans sa jeunesse DA eut une vie très nomade et sans repos. Il travailla comme bûcheron, charbonnier, ouvrier dans une usine
de papier (seulement 36 heures!), colporteur, instituteur, marchand. L’activité la plus longue fut son voyage comme activiste du mouvement d’abstinence 1912. Pendant ce temps il lu des œuvres de Schopenhauer, Kant et Nietzsche. Il était insatiable de culture, de formation, et passa donc un hiver au Brunnsvik-Institut à Ludvika, une école d’éducation d’ adultes. Il dévora les livres de Oscar Wilde, l’œuvre de Rabindranath Tagore, de Dostojevsky et la Bhagavadgita.


Dès 1913 il s’est entièrement consacré à l’écriture. En 1914 il a publié son premier œuvre, Kolarhistorier – Histoires des charbonniers, une collection de contes, et peu après, un recueil des poèmes : Kolvakterens visor –Chansons des charbonniers. La vie des charbonniers, les longues gardes esseulées à la charbonnière dans la forêt, la vie des gens simples à la campagne, dans la Finnmark, la vie avec la nature selon les changements des saisons, les forêts infinis, les marais, les lacs, les petites cabanes fumeuses en bois ou les gens vivaient trop serrés, le travail dur, les maladies, la mort, les fêtes, les légendes, les superstitions sont des thèmes qui apparaissent souvent dans son oeuvre.

En 1916 «Det kallas vidskepelse» (On l’appelle superstition), un autre recueil de contes, et en 1917 «Svarta Ballader» (Ballades noires – une collection des poèmes) ont apparu. DA traduisait des poèmes de Rudyard Kipling et de Baudelaire en suèdois. Ensuite il travailla quelque temps comme journaliste à Göteborg sous le pseudonyme Black Jim. (toujours en pénurie d’argent). Le 15 septembre 1920 il est allé à Stockholm pour un rendez-vous au journal Social-Demokraten pour y postuler pour un emploi. Il passa la nuit dans un hôtel à bas coût, le Hellman. Le lendemain, on l’ y a trouvé mort dans son lit, accidentellement empoisonné par le personnel.

Il s’était marié en 1818 avec Olga Turesson, une institutrice. Peu après sa mort, son seul enfant, sa fille Monika, naissait.

Nu mörkar min väg och mitt dagsverk är gjort
Mitt hjärta är trott, min säd har jag sått.
Som tiggare står jag, o Gud, vid din port
Och blodrosor växa på stigen jag gått.

Dan Andersson
Traduction :
Maintenant mon chemin obscure et mon labeur du jour est fait
Mon cœur est las, j’ai semé mes semailles
Comme mendiant j’arrive devant ta porte, mon Dieu
Et des roses de sangue poussent sur le chemin que j’ai fait.

Le succès de Dan Anderson ne vint qu’après sa mort . Il est aujourd’hui consideré comme un écrivain issu de la classe ouvrière. Ses poèmes sont pleins de joie mais aussi de mélancolie, il aime et hait la vie en même temps. Plusieurs musiciens et chanteurs ont étés inspirés par ces poèmes et les ont mis en musique. Dan Andersson lui-même jouait du violon, de la flûte et composait quelques chansons.

Il y a peu de traductions de l’œuvre de DA. En 2003 une traduction en anglais de tous les poèmes a été publié. Bruno Woisson a traduit les poèmes de DA en français, Il cherche encore un éditeur.

Le prix Dan Andersson et la Dan Andersson-Vecka

Chaque année la Dan Andersson-Sällskap décerne un prix à un artiste qui aide à faire connaître l’œuvre du poète. Cette année Sofia Karlsson a été couronnée. C’est une chanteuse multi instrumentale de Stockholm qui interprète plusieurs poèmes d’Andersson. Elle a un succès remarquables en Suède avec son cd « Svarta Ballader » qui est entièrement dédié aux poèmes de DA (60 000 cd vendus).

@wikipedia

J’ai assisté a un de ses concerts dans une grande salle à Grängesberg, la Cassels. Ce concert faisait partie du programme de la semaine Dan Andersson. Tous les billets étaient vendus bien à l’avance mais j’ai pu acheté une place débout. Sofia a d’excellents musiciens dans son groupe et les 500 spectateurs ont apprécié un concert très varié.

Les deux autres événements du programme de la DA-Vecka auxquels j’ai assisté furent un concert avec le groupe de la chanteuse Malin Foxdal et, plus impressionnant encore, une veillée musicale en pleine forêt à Knallis Mila, la charbonnière de Knalli. Knalli ,tout le monde le connaît sous ce surnom, avait préparé une charbonnière depuis des jours. A côté de celle ci et d’un feu de bivouac, nous écoutions entre autre la jeune chanteuse Heidi Baier. Après la fin du programme notre ami suédois Per nous a persuadé de sortir nos instruments et de commencer avec lui le buskspel  (bœuf). Il faisait nuit, le feu, quelques quinquets et la lune ne donnaient que peu de lumière, mais munie d’une lampe de mineurs que Knalli m’avait prêté et qui m’a transformée en extra terrestre, j’arrivais à frapper les cordes justes de mon instrument, le tympanon extra-scandinave.

Les Finnmarks

L’œuvre de DA est profondément enraciné dans son environnement, la nature et la culture de la Grangärde Finnmark. Autour de 1600 le roi suédois Karl IX encouragea des Finlandais à immigrer en Suède pour peupler les grandes forêts. Durant les six premières années les colons finlandais ne payaient pas d’impôts. Ainsi, Skattlösberg, le nom du hameau de naissance de DA, veut dire « montagne sans impôts ». On a attribué au immigrés des territoires dans les forêts vierges surtout en Suède centrale et nord. Toutes ces régions où ils se sont installés sont appelées Finnmark ou Finnskog (forêt de Finlandais). Les terrains qu’on avait laissés aux Finnois n’étaient pas les meilleurs et ils avaient une vie dure dans ces forêts profondes. Au 17ème siècle la production de fer augmentait et la sidérurgies avait besoin de charbon de bois. La plupart des Finlandais étaient donc obligés de travailler comme charbonniers. Au fil des siècles ils ont perdu leur langue d’origine. Mais on m’a dit qu’ on remarque même aujourd’hui un accent léger aux gens de Grangärde Finnmark. Il reste des noms d’origine finnois (les noms sont des fossiles!) comme Luossa, Kestina, Paljaka, Paiso, Kyralamm, Hakalamm …….

Les Finlandais étaient connus pour leur pratique de la sorcellerie, ils chérissaient les superstitions et les mythes, et croyaient à des forces surnaturelles. Les fameux village Bingsjö se trouve dans la Finnmark de Rättvik. Le nom de famille des fameux violonistes Per Pekkos et Gustav Päkkos est d’origine finnoise.

Cassels Donation est une maison de concert et de culture à Grängesberg, un village mineur dans la commune de Ludvika qui, après la fermeture des mines, fut connu pour la brasserie Spendrup. Sir Ernest Cassel, un riche banquier allemand émigré en Grand Bretagne, avait investi dans la société de mines Grängesbergbolaget. Il donna ce lieu de culture impressionnant, bâti selon le modèle des salles de concert de Londres, aux mineurs pour leur éducation et leur plaisir. En 1900 le bâtiment fut inauguré. Entouré d’un parc, il se lève comme un temple antique sur la région des mines. Il y a une salle de concert pour 600 personnes qui est une des meilleures de Suède. Elle est réputée pour son excellente acoustique. La maison de disque GIGA, bien connu par les folkeux, l’a souvent utilisé pour des enregistrements. A côté de cette salle, Cassels Donation abrite plusieurs salles de conférences, de banquets et de fêtes ainsi qu’une galerie.

Revenants

Si ce soir dans ta hutte tu es solitaire,
ne ferme pas ta porte, non !
Sur les monts enneigés sous les étoiles claires
comme autrefois nous revenons.

Ce printemps fut au cimetière un long sommeil
pour le repos de nos vieux os –
sous le ciel bleu nous avons fait notre réveil,
pour que la lune nous tînt chaud.

Nous nous réunissons sous le ciel sans nuages
dans le vent du nord furibond,
afin de nous asseoir et porter témoignage
sur ta vieille hutte à charbon.

Car nous marchons sans cesse à tort et à travers
au tombeau creusé par la faim,
et si la paix fut grande en notre antre de terre,
à la haine rien n’a mis fin.

Et notre haine est celle d’un mort condamné
à l’errance perpétuelle,
et nuls pleurs, camarade, en nos yeux chagrinés,
mais notre plainte est éternelle.

Hélas ! de nos tombeaux trop tard nous nous levons
pour exercer notre vengeance –
ceux qui de nos tourments aiguisaient l’aiguillon
sont morts aussi, et en errance.

Kolvaktarens (1915) un des poèmes de Dan Andersson traduit du Suédois par Sebastien Cagnoli.

Auteur

cmtnscandinavie@gmail.com

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