MAISON DE RADIO-FRANCE . PORTE B . STUDIO 107

Assister à un enregistrement ! c’est une aventure technique et humaine…être enfermés à 6 ou 8 dans une petite boîte avec tout le matériel de sonorisation (il y a un tout petit écran fascinant en plein milieu qui illustre la structure du son par un filament jaune fluo qui apparaît au moindre son, se tortille dans tous les sens, s’étire, se densifie, s’affine, s’épaissit, suit le son dans tous les sens, et disparaît dès qu’il disparaît…)… tout en surplombant d’assez haut la grande boîte en dessous, aussi haute que large, où jouent les musiciens…

On voit tout par une grande vitre hermétique : aucun son ne doit passer, car l’acoustique optimale fait ressortir le plus petit détail avec une acuité incroyable ! et dans l’autre sens, on ne doit entendre que le son qu’on enregistre… les murs ont un relief étudié et le plafond est spectaculaire !  sur le plancher de bois, toutes sortes de sièges, de micros, de baffles, de boîtes, de paravents, deux pianos à queue poussés dans les coins… et un escalier qui monte vers la « salle des machines »…

Dès que le son arrive, on est dans le son ! Martin, Pierre, l’ingénieur du son qui surveille le son à chaque seconde et affine  les réglages, Arnaud, son assistant qui fait les prises et les classe, et Serge, responsable de la collection Ocora qui finalisera avec Martin l’ensemble  CD-livret-pochette, écoutent, discutent les propositions de Pierre :

est-ce-qu’on laisse le son un peu agressif, un peu cru du hardingfële ? ou est-ce-qu’on l’adoucit, mais du coup, il perd de son caractère, et ça resserre l’effet stéréo ? dans quelle mesure ? … après quelques prises, Martin appuie sur le bouton pour communiquer avec les musiciens :  Leikny et Vidar sont invités à venir écouter pour participer au choix… nouvelles discussions… et on décide d’un son plus nature, plus authentique.

Ce qui frappe tout de suite, c’est une grande compétence mise au service de la musique, des musiciens, avec leurs ressentis, à leur rythme, avec patience…l’ambiance est à l’écoute au sens large… ce qu’on veut, ensemble, c’est faire un beau disque !De la musique sauvage à une musique « un peu intellectuelle, dit Jon. »…toujours pleine de sensibilité au fil de styles très variés. Les musiciens ont enfilé leurs sur-chaussettes, pour être à l’aise, les pieds au chaud ; Jon se retrouve même en débardeur… ça bosse dur ! Pendant ce temps, Magnus et Leif-Erik travaillent leur instrument dans une autre pièce.

Les musiciens montent et descendent pour venir écouter certaines prises : une note pas très juste, une corde qui frise, un bruit de gorge, l’ambiance, le tempo…c’est rare qu’une seule prise soit tout de suite la bonne… les preneurs de son descendent et montent pour déplacer un micro, coller un morceau de ruban adhésif par terre pour que le musicien reste au même endroit, dans le même sens, quand il joue debout. Martin communique avec le bouton magique après les quelques secondes nécessaires de silence  à la fin de chaque prise… ce n’est pas évident de jouer seul dans cette ambiance particulière … une grande salle sans danseurs et « sans faute »… il manque Vidar pour accompagner Leikny en dansant le Haling !

…. » allez ! encore une fois ! ack ja !  en gong till ! « … et le soir arrive avec un trio suédois… les vikings sont costauds, mais on commence quand même à sentir la fatigue ! On sort aussi d’une semaine de stage… quand c’est trop, c’est trop ! il y a un moment où ça ne sert plus à rien d’essayer de faire mieux ! on a beau s’appliquer : le jus n’est plus là !… on continuera demain !

Karen Metz