
Les danses en Norvège
J’ai retrouvé un texte de Jacques Leininger sur les danses de Norvège très intéressant et il y aura un atelier danses norvégiennes au stage d’hiver en 2025 avec Ingrid Sørheim et Signe Dorthea Gjessing (voir l’article sur ce site)
On ne peut parler de danses traditionnelles de Norvège sans évoquer
l’histoire de ce pays. Jusqu’en 1905, la Norvège était sous tutelle suédoise.
Depuis le milieu du 19ème siècle, des artistes et intellectuels,
parmi lesquels Grieg et lbsen œuvraient pour la construction
d’une identité norvégienne.
Ce mouvement, le national-romantisme, travaillait à la construction d’un fond
culturel spécifiquement norvégien. Les anciennes danses
(Bygdedans) avaient pratiquement disparu des bals de
campagne, supplantées par les danses de couples, valses,
reinlender, masurka, et autres polkas (on nomme actuellement
ces danses “Gammeldans, ou ..Rundans).
Hulda Carborg, épouse de l’écrivain Arne Carborg entreprit de reconstruire
un ensemble de danses, qui devait être emblématique d’une tradition norvégienne.
Pour cela,elle s’inspira d’anciennes ballades, et des danses chantées
des îles Féroé. La chorégraphie était fixée de manière assez théâtrale.
Ces danses furent transcrites, éditées et
pratiquées par les mouvements de jeunesse. On peut
se demander pourquoi un mouvement qui militait pour
l’identité norvégienne a ainsi utilisé un ensemble de danses influencées
par une tradition extérieure ? Sans doute;
la référence à l’époque médiévale, reflet d’un passé glorieux ?
Personne ne mettait en doute le caractère artificiel
des danses ainsi reconstituées. Mais le public, lui, les a vite
considérées comme étant «typiquement>> norvégiennes.
Dans les années 20, un ensemble de danses est publié : elles
sont inspirées des danses de ferme, certaines sont chorégraphiées
sur des airs traditionnels. A chaque mélodie correspond une danse
et une seule. ll était alors admis qu’elles représentaient les danses traditionnelles de Norvège.
Certains groupes de danseurs avaient même commencé
à utiliser le Vestlandspringar, mais en le standardisant.
Après la dernière guerre, des groupes de danseurs
s’émancipent des mouvements de jeunesse, et rejoignent Ie Landslaget,
organisation de musiciens, qui jouaient ce répertoire de danses traditionnelles
régionales, les Bygdedans.
Dans les années 60, Egil Bakka entreprit de commencer des recherches
dans toute la Norvège. ll filma les danses collectées, qui sont actuellement
archivées à l’Université de Trondheim. Ces documents représentent
le travail le plus rigoureux sur les danses de traditions dans
les différentes régions de Norvège, et leur étude a sûrement influé sur
la réactivation de la pratique des danses de tradition locale.
Ces danses de couple présentent des similitudes. A 3 temps,
on les nomme Pols, Polsdans, Springar, Springleik…
A 2 temps, elles s’appellent Bonde, Cangar, Parhalling,
Rull… Ce sont des appellations régionales, et dans chacune,
les rythmes sont accentués différemment. ll n’y a
que les airs de Halling, en danse soliste, dont le rythme
est le même dans tout le pays. Le départ de la danse s’effectue en couple ouvert,
en cortège sur un cercle. La tenue peut varier, main sur l’épaule, ou bras dans le dos, ou bras croisés tendus en avant…
Le cavalier peut changer de place, faire tourner sa cavalière, la faire changer de place,
avec une pastourelle ou un autre mouvement, tourner lui-
même, progresser en marche arrière … les variations sont
très nombreuses pendant ce moment-là. ll peut ensuite y
avoir une phase où chaque partenaire danse isolément,
tout en progressant. Au cours de ces 2 phases, le danseur
peut esquisser quelques gestes démonstratifs ou acrobatiques,
la danseuse se faisant plus discrète. La dernière figure est celle
où le couple s’enlace et tourne sur lui-même,
à l’endroit ou à l’envers, tout en continuant sa progression.
Les combinaisons de mouvements sont très variées,
selon les régions, ou selon les danseurs. Dans certaines régions,
la danse comprend seulement deux de ces parties.
On pourrait, à première vue, penser à une conception un
peu machiste de la danse. Mais en y regardant de plus
près, on remarque qu’elles sont empreintes d’une grande
délicatesse. Si l’homme mène, il ne..maltraite» pas sa partenaire,
il se fait protecteur, complice ou séducteur.
ll y a peu de certitudes quant à l’origine de ces danses traditionnelles.
Certains supposent qu’elles puissent avoir été
influencées par des danses plus anciennes, présentant une
partie lente, et une partie rapide; chaque partie inspirant,
l’une les danses à 2 temps, l’autre celle à 3 temps. La plus
ancienne mention date de 1646 : un dictionnaire parle
de “Frampaa”, comme étant le nom d’un “sprinedantz”.
Quant au Halling, danse soliste certainement très ancienne, Egil Bakka
n’en a trouvé ni description, ni mention
avant 1800. Mais on sait qu’il fut pratiqué en Valdres et Hallingdal au 19ème siècle.
La danse se porte bien dans certaines parties de la Norvège,
surtout depuis les années 70-80, où la pratique
des danses régionales s’est développée. ll y a de nombreux bons danseurs, dont
certains ont un sens aigu du spectacle, avec une bonne dose d’humour,
et un plaisir de danser communicatif.
Jacques Leininger
D’après un entretien avec Ingar Ranheim,
conservateur au valdres-folk-museum
historien auteur de «Folkedans,
disiplinering og nasjonsbygging”.
Avec l’aimable autorisation de Jacques Leininger qui a beaucoup œuvré pour le CMTN.
Trad Mag N” 110 – Novembre / Décembre
On peut revoir l’article sur le Halling qui a été augmenté: ici