Témoignage : 6 mois à Malung – Martin Coudroy
@Simon GARCIA |
Malungs Folhögskola,
Comment résumer tout ça ?
Les journées passent vite ici. Les cours, les ateliers en extra, les répés, le bal du jeudi, les bœufs, les stämma et autre festival… à l’école ou à l’autre bout de la Suède (jusqu’au folkmusikfestival d’Umeå, tout là-haut au nord), on est à plein temps dans la musique et la danse suédoise. On s’imprègne tant qu’on peut, on s’imbibe jusqu’à plus soif. A l’école, toute la semaine, Jonny Soling (pour le violon) et Ami Petersson-Dregelid (pour la danse) nous font vraiment avancer.
La Danse
Ami Petersson |
Pour l’instant, avec Ami ou professeurs invités, on a …beaucoup marché…, mais on a aussi dansé shottis, halling, slängpolska du Sörmland, Gamal menuet, långdans… En ce moment le gros du boulot c’est Bingsjöpolska. A venir : Bodapolska, Springlek, Springar, Rygg, Vårda. Et on a la chance d’avoir pour musiciens : Ellika Frisell, Frederik Lundberg, Kalle Almlöf, Jonas Hjalmarsson, Maria Röjås…, pas à plein temps malheureusement, on travaille beaucoup avec des CD aussi.
Au quotidien, Ami cherche à nous faire ressentir la Danse plutôt qu’à nous apprendre 40 variantes de polska…
On cherche à acquérir une attitude, un équilibre, une énergie générale. On a beaucoup travaillé sur le maintien du corps, comment se sentir droit. On essaye chaque jour d’éliminer les tensions, les contractions de chaque partie du corps. Les mouvements doivent venir de l’intérieur, propulsés par le centre de gravité, ce ne sont pas les pieds ou les jambes qui partent tous seuls avant le reste …
La relation danse-musique est omniprésente, ce n’est pas surprenant… On découvre que c’est très dur de respecter la pulsation. Arriver à être juste à temps, ni en avance ni en retard. On cherche à sentir la musique entrer en nous et à la faire vivre par notre corps. C’est à ce moment que quelque chose se crée, et que la danse devient une voix, un instrument supplémentaire.
On insiste beaucoup sur la relation à l’autre aussi. Ami nous a fait passer beaucoup d’étapes avant d’aborder la danse en couple. On danse souvent seul, ou juste à côté ou bien derrière quelqu’un, sans qu’il y est forcément contact corporel, en cherchant à s’identifier aux mouvements de l’autre ou en prenant seulement conscience des différentes façons de sentir la danse. Quant à la danse en couple proprement dite, on passe du temps à chercher une entente corporelle qui permette un contact de qualité. La rotation (snoa, shottis, polska) est peut-être ce qu’il y a de plus délicat. Il faut arriver à une certaine maîtrise de ses propres mouvements mais pouvoir aussi être à l’écoute de l’autre, se demander ce qui marche, ce qui ne marche pas, pourquoi, est ce que ça vient de moi, de l’autre, que puis je faire pour que l’autre fasse autrement… Ici on ne parle pas du pas du garçon ou de celui de la fille, mais il y a celui qui mène et celui qui suit. Celui qui propose et celui qui accepte, résiste, répond. Ami insiste énormément sur la place de chacun dans le couple de danseurs. Celui qui suit à aussi sa place à prendre, il ne se contente pas de subir mais construit avec son partenaire un moment de danse. Et on danse tous alternativement « meneur » et « suiveur », c’est très instructif.
On tente d’arriver à une danse souple, détendue, aérée mais forte et pleine de présence en même temps. On parle beaucoup, on essaye de mettre en mot ce qu’on ressent après chaque exercice, on se questionne sur nos mouvements. Tout a un impact, que se soit un détail de position, d’équilibre, la tension d’un muscle, … C’est dur mais finalement, petit à petit danser devient de plus en plus léger, agréable, facile! Et Ami nous répète quotidiennement « det är bara dans !», c’est seulement de la danse, amusez vous avant tout.
Le Violon
Jonny Soling possède de grande qualité de pédagogue du violon. Son approche est vraiment intéressante. Je vais tenter de vous en faire part.
La première chose qui me vient à l’esprit, et ceux qui le connaissent ne diront pas le contraire, c’est son impressionnante énergie et ses clowneries de chaque instant. Rares ceux qui peuvent se vanter d’une telle présence après 56 semestres, soit 23 années de cours à Malung. D’autant plus que ses « pitreries », loin de déconcentrer les troupes les rassemblent au contraire, et soulignent ses propos. Le moindre exercice et la moindre gamme sont évidemment agrémentés de son inaltérable bonne humeur.
En général, on commence la journée par parler, le but étant de partager nos progrès, nos questionnements, de se placer dans une optique d’analyse, de recul sur sa pratique et d’entraide. Ensuite un échauffement souvent combiné à des exercices de conscience du corps, des différents équilibres.
En gros on passe notre temps à chercher un équilibre. Aucune partie du corps ne bouge sans qu’il y est une compensation dans une autre partie du corps. Si on y ajoute un archet et un violon et tous les mouvements complexes du jeu du violon, ce n’est pas une mince affaire. L’objectif est de parvenir à une perception des déplacements et des équilibres de plus en plus fine et de rendre chaque geste le plus efficace possible.
L’étape suivante est souvent les gammes, les arpèges et autres exercices de haut en bas, de long en large, en nommant les notes, en jouant une note sur trois, en doublant le tempo, en associant une suite de trois coups d’archet différents. Bref un vrai casse-tête de triturer tous ces facteurs dans tous les sens. Mais sur la durée, ça porte ses fruits.
Ensuite la partie répertoire, on a beaucoup travaillé sur le Dalarna, essentiellement Boda, Binsjö et Orsa.
Depuis peu, après mes insistantes requêtes, Jonny nous visionnent des films de collectages qu’il a lui-même tournés. Il possède une masse de documents impressionnante. C’est beaucoup de vieux musiciens mais aussi des jeunes, aujourd’hui moins jeunes mais têtes d’affiches des festivals.
Je passe sur l’aspect théorie musicale qui m’intéresse nettement moins, étant purement la théorie de musique classique de base (j’ai fait une fac de musique). Mais au-delà de ça, pourquoi choisir cette vision ? Peut-être car la musique folk suédoise possède beaucoup de liens avec la musique classique ? Mais il y a aussi beaucoup de musique non tempérée ou modale, pourtant on ne travaille que les accords I IV V7 I, le cycle des quintes etc.… Un débat qui reste ouvert…
On a aussi passé deux semaines avec Kalle Almlöf et 10 jours avec Zara Helje. Au programme finnskog, springlek et halling, chouette ! A venir, d’autres profs invités tels que Björn Ståbi et Anders Jacobsson pour Orsa, Kjell-Erik Eriksson (Hoven Droven, Triakel) pour le Jämtland, Pelle Björnlert pour la slängpolska .
Voilà pour la musique et la danse.
@Simon GARCIA |
Mais il faudrait aussi vous raconter la neige, le froid (-28 !), les lacs et rivières gelés, l’aurore boréale, le bastu (sauna), le ski, les fika, la Vasaloppet, les copains – Johan, Hanna, Torkel, Rolf, Sarah, Magnus, Peter, Elisabet, Stina, Caroline, Madliene et tous les autres, la visite de 9 français d’un coup, l’innebandy, les pannkakor, les patates et les saucisses, et puis le spark, et le vélo sur la neige, et les jours qui rallongent à toute vitesse, et le suédois bien sûr, et … Enfin la liste est longue !
Bonne danse, bonne musique et portez vous bien !
@Simon gARCIA |