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Musiques et danses traditionnelles d’Estonie : Interview d’Ingri Arro

Tiré du bulletin 67 du CMTN

Estonie

1-Introduction

 J’ai fait la connaissance d’Ingrid pendant l’été 2004 à Rendsburg, sur les bords du Canal de la Mer du Nord à la Baltique (Schleswig), au cours de Rencontres Internationales de jeunes, organisées par la ville de Rendburg et ses villes jumelles, dont Vierzon.

Ingrid accompagnait son ensemble instrumental folklorique « Rahvapillian Sambel PILLE» d’Haapsalu (côte ouest de l’Estonie, autre ville jumelle).

Elle présentait des chants, des airs instrumentaux et quelques danses : ingleska, valse, labajulg.

Tout excité de pouvoir contribuer au bulletin de CMTN, je me suis improvisé interviewer en musique traditionnelle nordique. J’espérais de l’inédit… jusqu’à ce qu’elle me parle du stage de Sablé/Sarthe !

2 – Les instruments

D’après Ingrid, l’instrument traditionnel estonien jusqu’au 17ème siècle est la cornemuse avec un bouffoir, un hautbois et un bourdon parallèle : le torupill ou instrument à « tuyaux » ; sans doute également des flûtiaux, comme dans toutes les campagnes.

Torupill @Sami Perttilä

Chaque village avait son cornemuseux, le terme de village devant peut-être désigné comme un hameau plus ou moins étendu.

Puis vient le kannel, instrument type épinette à cordes pincées : une main raccourcissant les cordes tendues horizontalement au-dessus de la table, tandis que l’autre main les excite comme avec la guitare (pincement individuel ou bien slang).

Kannel +Wikipedia 

Le violon arrive ensuite dans les campagnes et tente d’imiter le jeu de la cornemuse pour faire « estonien » (bourdon, ornementations etc…).

À la fin du 19ème siècle, un instrument fait son apparition sans doute dans un souci de se démarquer de la culture russe : le jauram, instrument à percussion, la caisse heurtant le sol et les crotales et la corde métallique frappée par une baguette font un effet très ethnique (ça ressemble au bérimbo sur le dessin que la claviste n’a pas fait…).

Jauram –
PÕLVA, Põlvamaa, Eesti -1979

L’accordéon bisonore ou lōōtspill (lōōt = soufflet) a été utilisé avant d’être supplanté par l’accordéon piano (accordion).

3 – Les répertoires

Même si, pour un petit pays, la musique traditionnelle est un moyen d’affirmer son identité face au voisin russe, il faut connaître l’Histoire de l’Estonie pour comprendre qu’il y a eu d’inévitables emprunts musicaux au voisin suédois qui a colonisé les îles Baltes ainsi sans doute qu’aux danois, anglais (ingelska) et allemands (reilander). En revanche, Ingrid est formelle sur un point : le fond des chansons est indubitablement estonien (…). Les chants ont été un moyen de résister à l’évangélisation agressive (« croisades ») des 10ème et 11ème siècles, puis aux influences politiques et culturelles suédoises, danoises puis russes.

Le revivalisme estonien a environ 15 ans, et a été initié par la venue des musiciens norvégiens et finlandais invités à une assemblée de musiciens amateurs.

4 – Les occasions de jouer

La pratique des musiques traditionnelles est quotidienne et marque les occasions de célébrations multiples : noces, enterrements, solstices, sortie des animaux des étables, fin de travaux pénibles ou d’un bel ouvrage… Selon Ingrid, cette habitude subsiste dans quelques communautés isolées.

5 – Les danses

Les danses peuvent être réparties en trois catégories :

  • les « vieilles » danses
  • les danses chorégraphiées pour des spectacles, empruntant les pas des « vieilles » danses
  • la valse à 3 temps, le labajulg à 3 temps, le reilander à 2 temps

… Tous les cinq ans, un festival de chants et danses folkloriques se tient à Tallin (trois jours en juillet) : les groupes présentent leur création devant un public spectateur.

…Quelques groupes dansent des danses traditionnelles (vieilles danses) lors de rassemblements hebdomadaires, entre eux (Tallin, Tartu).

… Deux fois par an, les jeunes violonistes de toute l’Estonie se rassemblent, dans « l’Estonian Youth Violon Choir » qui est un concept original, semble-t-il, puisque les musiciens, non contents de jouer entre eux, chantent et dansent également, notamment à l’occasion de danses chantées (songdanses). Un violoniste quitte le cercle et se met à danser au milieu de l’assemblée qui continue de jouer et de chanter. Ce chœur est organisé par la Maison de la Culture de Tallin où l’on enseigne le violon et la danse.

… À Viljandi (sud), un Music College permet d’apprendre les danses, musiques et chants traditionnels. Il organise également un festival folk.

… La notion de bal public semble étrangère à Ingrid. L’expérience qu’elle a du stage de Sablé/Sarthe et de CMTN est plus proche de la pratique estonienne.

Rodrigue March

  Ingrid Arro (debout à gauche) et son ensemble
                 

Auteur

cmtnscandinavie@gmail.com

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